Voici une étrange dérive lexicale : on parlait autrefois des divisions, des conflits ou des clivages de la gauche, suivant un paradigme politico-psychanalytique et, désormais, on parle depuis Marcel Gauchet puis Emmanuel Todd de « fractures » suivant une métaphore organique à la fois aimable (on fait donc corps ?) et inquiétante (l’idée de corps social foutant toujours les jetons). Mais faisons donc avec la « fracture », puisqu’elle est aujourd’hui d’usage, et même, filons la métaphore jusqu’au bout du réel : aujourd’hui, les fractures de la gauche sont des fractures ouvertes, c’est-à-dire graves et apparentes. L’os du dissensus apparaît très clairement, même si ce n’est jamais et pourtant toujours le même os.
Donc, la gauche est très salement fracturée. Comme si la gauche venait de tomber d’un avion sans parachute. La chute a été très longue, mais ça y est, c’est fait, la gauche a touché le sol, un sol en béton armé. Le pronostic vital est engagé. Mais, avant la couronne mortuaire, la gauche mérite d’être examinée une dernière fois, avant de savoir à qui la confier : maison de repos, soins palliatifs ou pompes funèbres ? D’autres possibles, plus heureux peut-être ? Lire la suite de l'avant propos.
Les fractures ouvertes de la gauche : ça se soigne ou pas ? avant-propos